Tempête des 31 janvier et 1er février 1953

I. Synthèse de l’événement

Date de début d’événement : 31 janvier 1953

Date de fin d’événement : 1er février 1953

Type d’événement : dépression atlantique de type WD (classification Dreveton)

Départements touchés ou régions concernées :

Régions impactées

Basse-Normandie (Calvados), Haute-Normandie, Picardie, Nord-Pas de Calais, Champagne-Ardenne

Île-de-France, Centre, Lorraine, Alsace, Bourgogne, Provence-Alpes-Côte d’Azur

Résumé :
Une dépression descend de la mer du Nord en direction de l’Europe Centrale. Elle est flanquée à l’ouest par des hautes pressions. Elle crée des vents violents de secteur nord à nord-ouest qui ravagent la France de la Normandie à la Provence.

Dans la nuit du 31 au 1er, des inondations se produisent en Angleterre, en Belgique et en France jusque dans le Calaisis. Les Pays-Bas paient le plus lourd tribut avec un peu plus de 1800 morts sur un total avoisinant 2500 personnes décédées.

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Intensité maximumDuréeSurface du territoire métropolitain touchéIndice de sévérité
162 km/h à Reims le 31/01/1953
2 jours
inconnue
indéterminé

II. Description de la situation météorologique

Le 30 janvier, l’Europe de l’Ouest est encore protégée par un vaste anticyclone tandis qu’une vaste zone dépressionnaire s’étend de la Russie au Groenland. Une dépression secondaire (1005 hPa) se creuse au sud de l’Islande. La pression baisse rapidement (978 hPa le 31 à 00 UTC, minimum à 970 hPa), la dépression contournant les Îles Britanniques avant de descendre la mer du Nord. Le 1er février à 00 UTC, la dépression (980 hPa) est positionnée sur le Danemark avant de s’évacuer vers l’Europe centrale tout en se comblant. Il est à noter que cette dépression est bordée à l’ouest par une zone de hautes pressions. Ce contraste marqué entre basses et hautes pressions est la cause de la force des vents violents rencontrés à l’ouest de la mer du Nord, de l’Écosse aux Pays-Bas.

Carte d’analyse du 31 janvier 1953 à 07 h locales
Analyse surface 31/01/1953 à 06 utc

III. Vent

Rafales maximales observées le 31 janvier 1953

Vent instantané maximal mesuré le 31/01/1953

La partie ouest de la France est protégée par des hautes pressions et le vent y reste faible.

En revanche, de la Normandie à la Provence, le vent souffle fort au fur et à mesure de la descente de la dépression.

Si le vent est moins violent le 1er février, on dépasse malgré tout les 100 km/h en de nombreux endroits.

Rafales remarquables mesurées le 31/01/1953
RégionDépartementPosteAltitude (m)Vent instantané
maximal (km/h)
Champagne-Ardenne 51 Reims 91 162
Centre 45 Orléans 125 151
Île-de-France 95 Pontoise 87 148
Haute-Normandie 76 Rouvray 68 133
Bourgogne 58 Nevers 175 137
Île-de-France 75 Paris-Montsouris 75 125
Champagne-Ardenne 10 Romilly 77 122
Lorraine 57 Phalsbourg 377 119
Nord-Pas de Calais 59 Lille 47 119
Provence-Alpes-Côte d’Azur 06 Cannes 2 115

Sur les côtes belges et néerlandaises, les vents atteignent 115 à 137 km/h. Sur les îles Orcades, une rafale à 193 km/h est enregistrée.

En mer, le vent est estimé à 12 Beaufort en Écosse, 11 en Angleterre et 10 aux Pays-Bas. Le capitaine d’un bateau pris dans la tempête évalue le vent à du 12 Beaufort à proximité des Pays-Bas.

IV. Phénomènes météorologiques associés

L’arrivée de la dépression dans l’axe de la mer du Nord associée à la marée haute provoque des submersions sur de nombreux littoraux. La mer, poussée par le vent de nord à nord-ouest, s’engouffre dans l’entonnoir naturel formé par la pointe sud de la mer du Nord entre les Pays-Bas et le sud-est de l’Angleterre. À Dunkerque, le niveau des eaux s’élève de 2,40 mètres (atteignant à 10 cm près le niveau de déversement dans les canaux à l’intérieur des terres). Toujours à Dunkerque, deux brèches de 50 mètres s’ouvrent dans la digue Est. La submersion atteint la région de Calais avec des terrains et des maisons inondées. Aucune victime n’est à déplorer en France.

La pluie reste faible pendant cette tempête.

Chez nos voisins la surcote (dépassement du niveau normal de la mer provoqué par la tempête) atteint 2,5 mètres dans le sud-est de l’Angleterre et plus de 3 mètres aux Pays-Bas, provoquant des inondations parfois dramatiques. Aux Pays-Bas, deux submersions se produisent à chaque marée haute pendant la tempête, dans la nuit du samedi 31 au dimanche 1er et le dimanche après-midi. Les digues s’étant déjà rompues, la submersion du dimanche après-midi provoque le plus de dégâts.

V. Impacts socio-économiques

Les dégâts sont limités en France. Ils sont dus à la fois aux submersions sur les côtes de la mer du Nord et aux rafales de vents.

Les conséquences sont terribles dans les pays voisins où le bilan global avoisine 2500 morts.

En Grande-Bretagne le nombre des victimes est supérieur à 320 (307 en Angleterre, 19 en Écosse). Le sud-est du pays, de l’estuaire de la Tamise au Kent, souffre le plus avec 50 000 réfugiés. S’ajoutent à ce terrible bilan britannique les 224 morts en mer avec notamment le naufrage du ferry MV Princess Victoria qui assure la liaison entre l’Écosse et l’Irlande (il sombre avec 133 victimes). La catastrophe est à l’origine de la construction de la barrière sur la Tamise inaugurée en 1984.

La Belgique paie aussi un lourd tribut avec 28 morts et de gros dégâts dont l’inondation d’une partie d’Ostende (2 mètres d’eau sur la grand place de la ville).

Aux Pays-Bas, la catastrophe se transforme en tragédie avec plus de 1800 morts et toute une partie du pays dévastée par l’eau de mer. Les digues cèdent en de nombreux endroits, laissant les flots envahir les terres sur plus de 200 000 hectares, détruisant complètement 3000 maisons et 300 fermes. Le mauvais temps et le fait que ce 1er février soit un dimanche empêche l’organisation des secours. Ce n’est pas avant le lundi 2 que les premières aides arrivent aux 72 000 sinistrés.

Dès le 4 février, la reconstruction des digues devient une priorité nationale aux Pays-Bas. Il faudra près d’un an pour évacuer toute l’eau de mer. Un Plan Delta voit le jour pour renforcer le système de protections face aux inondations. Ce plan ne sera terminé qu’en 1996 avec la construction du dernier barrage anti-tempête. La mémoire des Néerlandais sera durablement marquée par ces événements et de nombreux monuments et stèles dans le pays rappellent cette tragédie.

Le Danemark et l’Allemagne sont également touchés mais dans une moindre mesure.