Prévision des tempêtes

Pour améliorer la prévision des tempêtes, les chercheurs travaillent sur deux pistes :

  • mieux comprendre le phénomène pour améliorer sa représentation dans les modèles ;
  • développer de nouveaux systèmes de prévision.

Comprendre comment les tempêtes se déplacent et s’intensifient

Bien que leur mécanisme de formation soit bien connu depuis environ un demi-siècle, certains comportements de tempêtes restent encore mal compris. Par exemple, Martin et Lothar en 1999, Klaus en 2009 ou Xynthia en 2010 ont vu leur intensité augmenter brusquement lorsque leur trajectoire a croisé l’axe du courant-jet, ce tube de vents d’altitude très violents qui surplombe l’Atlantique. Afin d’améliorer la prévision des tempêtes, les chercheurs travaillent à mieux comprendre ces comportements, grâce à la modélisation et à l’observation.

Utiliser différents modèles atmosphériques

Les chercheurs disposent d’une panoplie de modèles de complexité croissante, allant de modèles décrivant de manière simplifiée le fonctionnement de l’atmosphère, jusqu’au modèle de prévision comme le modèle français ARPEGE qui décrit son évolution de manière réaliste.
Avec les modèles les plus simples, les chercheurs simulent des cas virtuels. Avec ARPEGE, ils rejouent des cas réels passés.

Les deux approches sont complémentaires :

  • Les simulations de cas virtuels offrent aux chercheurs la possibilité de « jouer » sur les variables météorologiques-clés (température, humidité) ou encore sur la forme et l’intensité du courant-jet. Ils peuvent ainsi étudier leur impact respectif sur la genèse, l’intensité et la trajectoire des tempêtes et déterminer le poids de chaque paramètre dans l’évolution des tempêtes.
  • ARPEGE permet de son côté de confirmer l’effet de ce même paramètre dans la simulation globale de la tempête, incluant l’ensemble des autres composantes atmosphériques.

Recueillir des données au cœur des tempêtes

La modélisation ne suffit cependant pas à comprendre complètement le phénomène, car les phénomènes physiques ne sont pas tous parfaitement modélisés. Pour compléter la modélisation, les observations directes sont cruciales.
Les données disponibles sur les océans (plus de 70% de la surface du globe) sont rares. L’essentiel des mesures est fourni par les satellites. Ces derniers ne peuvent cependant pas mesurer certains paramètres déterminants, comme le taux d’humidité sous les couches nuageuses.

Pour collecter ces précieuses données, Météo-France participe à de vastes campagnes de mesure sur le bassin Atlantique. En raison de l’étendue de la zone à couvrir, elles sont coûteuses et donc rares.

ATR42 de Météo-France

L’ATR 42 est un avion de recherche de l’unité SAFIRE. Créée en 2005 et localisée à Toulouse-Francazal, cette unité regroupe les moyens aéroportés :

  • du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) ;
  • de l’INSU (Institut National des Sciences de l’Univers) ;
  • du CNES (Centre National d’Études Spatiales) ;
  • de Météo-France.

Parmi les trois aéronefs que cette unité met en œuvre, l’ATR42, propriété de Météo-France, est le plus gros de tous. Biturbopropulseur, il peut emporter une importante charge utile jusqu’à 7000 mètres d’altitude sur une distance de 1600 km.

FASTEX (1997) : une campagne de mesure dédiée aux tempêtes

Coordonnée par le centre de recherches de Météo-France, cette campagne internationale a permis d’observer durant deux mois quelques dizaines d’épisodes dépressionnaires grâce au déploiement de nombreux instruments :

- avions de recherche ;
- capteurs embarqués sur des avions de ligne ;
- radars, sondes, etc ...

Les chercheurs ont aussi recueilli tout au long de la campagne les mesures effectuées par les réseaux météorologiques opérationnels de huit pays.
L’ensemble de ces données a été utilisé pour étudier notamment les propriétés des particules d’air et les échanges de chaleur.
Fastex a permis d’identifier des « précurseurs » permettant de mieux prévoir le développement des tempêtes.

NAWDEX (2016) : une campagne pour une meilleure connaissance du cycle de l’eau dans les dépressions atmosphériques

La campagne de mesure Nawdex a eu pour objectif de mieux caractériser le cycle de l’eau dans les tempêtes et l’effet engendré sur les grandes structures de la circulation atmosphérique, comme les fluctuations du courant-jet d’altitude.
Nawdex s’est intéressé plus particulièrement aux bandes transporteuses d’air chaud, des masses d’air qui s’enrichissent en humidité au contact de l’océan, puis connaissent une forte ascension au cœur des tempêtes avant d’atteindre la tropopause. Lors de leur ascension, ces masses d’air voient une partie de leur vapeur d’eau se condenser en eau liquide et solide, ce qui réchauffe l’atmosphère.
Ce dégagement de chaleur latente conduit non seulement à un creusement de la tempête, mais il affecte également le courant- jet d’altitude et toute la circulation atmosphérique en aval.

Un article consacré à cette campagne a été publié dans la revue La Météorologie en novembre 2016...



Accès au site dédié à cette campagne NAWDEX (site en anglais).

Développer de nouveaux systèmes de prévision

Pour prévoir le temps des jours à venir, les prévisionnistes ont recours à deux méthodes complémentaires : la prévision déterministe et la prévision d’ensemble. Pour la première, ils commencent par établir à partir des observations une « analyse », c’est-à-dire une représentation cartographique du temps qu’il fait. Le modèle calcule ensuite l’évolution des paramètres météorologiques au fil du temps (voir l’article précédent consacré aux modèles numériques).
Si l’analyse et le modèle étaient parfaits, la méthode serait d’une rigueur mathématique implacable. Mais dans les faits, ils sont loin d’être dénués d’incertitudes : erreurs de mesure, zones sans données, hypothèses de modélisation. Ces défauts passeraient inaperçus si l’atmosphère, comme d’autres systèmes physiques « chaotiques », n’avait pas la propriété de les amplifier très vite. Pour analyser les incertitudes et les scénarios alternatifs, les météorologues utilisent de plus en plus un autre type de prévision : la prévision d’ensemble appelée aussi probabiliste.

La prévision d’ensemble
Dans ce type d’approche, le temps qu’il fait n’est plus décrit par une seule analyse, mais par plusieurs, choisies de manière à rester cohérentes avec les observations et les incertitudes associées. Et l’on n’utilise plus un seul modèle, mais plusieurs variantes très proches. En les faisant tourner avec les différents jeux de paramètres, les météorologues obtiennent une palette de scénarios possible. La méthode des ensembles est particulièrement intéressante en cas de phénomènes violents, car elle permet d’envisager toutes les possibilités, en termes d’intensité et de localisation, et d’estimer la probabilité de chacune. Les prévisionnistes analysent les différents scénarios et choisissent les plus pertinents. De leurs arbitrages dépend par exemple la couleur de la carte de la vigilance.

LA PEARP : Prévision d’Ensemble ARPege
Ce système ensembliste reposant sur le modèle ARPEGE est opérationnel depuis juin 2004. Une nouvelle version est opérationnelle depuis juillet 2019.

PEARP version 2019

Prévision d’Ensemble Arpege version du 2 juillet 2019

  • 35 scénarios sont proposés ;
  • la résolution passe de 10 km à 7,5 km sur la métropole ;
  • résolution de 36 km aux antipodes.

Les écarts entre les différents scénarios prévus par l’ensemble, représentés sous forme de carte de dispersion, donnent une information quantitative sur les régions où l’incertitude est la plus grande. Pour une échéance de prévision donnée, plus la dispersion est importante plus l’incertitude sur l’état futur de l’atmosphère est grande.

L’idée est d’utiliser l’ensemble des prévisions comme représentant un échantillon d’une loi de probabilité. L’ensemble des prévisions peut alors fournir une information probabiliste sur la survenue d’un événement : le prévisionniste peut visualiser des cartes de probabilités de dépassement de seuil ou les valeurs de certains paramètres (cumul de pluie, force du vent, etc…) atteintes par un pourcentage donné de membre de l’ensemble.

Cette quantification de l’incertitude permet notamment aux prévisionnistes d’assortir leurs prévisions au-delà de 4 jours d’un indice de confiance de 1 à 5 (1 : confiance très faible, 5 : confiance très élevée).

Les différents jeux de conditions initiales ne sont pas choisis au hasard. Ils sont obtenus en faisant varier les paramètres décrivant l’état de l’atmosphère, déduit des observations. Ces variations doivent toutefois rester cohérentes avec les observations et les incertitudes associées. Il s’agit aussi pour les chercheurs d’identifier les variations qui produisent les effets les plus marqués sur la prévision finale afin d’envisager tous les scénarios possibles, même extrêmes.
La meilleure façon de faire varier les conditions initiales fait l’objet d’une intense recherche à Météo-France.

Prévision multi-modèle à 15 jours des vents à Marseille
Prévision des vents à Marseille

Courbe bleue : prévisions issues du modèle américain (NCEP : National Centers for Environmental Prediction)
Courbe rouge : prévisions issues du modèle européen (ECMWF : European Centre for Medium-Range Weather Forecasts ou CEPMMT pour Centre Européen pour les Prévisions Météorologiques à Moyen Terme)
Courbes grises : les divers scénarios issus de ECMWF
Courbe jaune : moyenne des divers scénarios (runs)

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