Lothar 26 décembre 1999

I . Synthèse de l’événement

Date de début d’événement : 26/12/1999 à 01 heure locale

Date de fin d’événement : 26/12/1999 à 23 heures locales

Type d’événement : dépression atlantique type WD (classification Dreveton)

Régions concernées :

Régions impactées

Toutes les régions sont impactées par cette tempête. Les rafales les plus violentes balaient la moitié nord excepté le Nord-Pas-de-Calais où seule la bordure sud de cette région est impactée.

Dans la moitié sud, les rafales sont généralement moins violentes excepté du nord du Languedoc-Roussillon au Massif Central et en Corse.

Résumé :
Lothar est une tempête exceptionnelle au même titre que sa sœur jumelle Martin survenue le lendemain. Pratiquement toute la France est touchée par des vents à plus de 100 km/h. Mais les vents les plus forts ont approché les 180 km/h. Lothar fait 30 victimes en France et des dégâts spectaculaires. Des phénomènes de submersions et des inondations se sont rajoutés aux tempétueuses rafales.

Intensité maximumDuréeSurface du territoire métropolitain touchéIndice de sévérité
173 km/h à Saint-Brieuc et Solenzara 22 heures
56 %
exceptionnel

II. Description de la situation météorologique

En cette fin décembre 1999, l’Europe est soumise à un très rapide flux d’ouest très perturbé, régi par un défilé de dépressions tempétueuses.

Au cours de la journée du 26, l’une de ces tempêtes passe en plein sur la France. Surnommée Lothar, cette dépression se forme sur le proche Atlantique le 25 en soirée. Son renforcement est explosif. Lothar fonce sur la France et arrive en baie du Mont-Saint-Michel le 26 en fin de nuit. La pression en son centre est déjà inférieure à 970 hPa. Puis Lothar traverse le Nord de la France le 26 en matinée. Sa vitesse de déplacement est remarquable et dépasse les 100 km/h.

À son passage sur Paris puis sur Metz, la pression en son centre est incroyable, proche de 960 hPa. Cette tempête quitte la France dès la mi-journée et part alors sévir en Allemagne.

III. Vent

Cette tempête est remarquable de par la force des vents qui lui sont associés. Ces vents dantesques se produisent entre la fin de nuit et la matinée du 26. Sur presque toute la France ils dépassent les 80 km/h. Sur les trois quarts du territoire ils atteignent les 100 km/h. C’est surtout de la Bretagne à l’Alsace que les vents les plus impressionnants ont lieu. Sur cet axe, 150 km/h est monnaie courante, tandis que localement on atteint 170 voire 180 km/h (les 200 km/h sont dépassés en Allemagne). Heureusement, cette tempête passe extrêmement vite, ne durant généralement que 3 heures en un point donné au plus fort de la tempête .
À la mi-journée la situation est déjà plus calme. Mais le nord de la France est ensuite été touché par un front secondaire durant l’après-midi et la soirée : des rafales dépassant localement les 100 km/h se produisent encore jusqu’en milieu de nuit (108 km/h à Nantes et 119 km/h à Caen l’après-midi),
La Corse est également touchée dans l’après-midi. La côte Est affronte des rafales de 130 à 180 km/h. La présence du relief en amont du flux y provoque l’accélération du flux. Un effet de foehn spectaculaire s’y produit alors avec 20 à 24 degrés fin décembre !

Animation des rafales horaires estimées Carte événementielle Indice de sévérité
Animation rafales horaires Carte événementielle Indice de sévérité
Animation des vents maxima horaires Vent maximal au cours de l’évènement
Animation vent Carte vent
Rafales remarquables mesurées le 26/12/1999
RégionDépartementPosteAltitude (m)Vent instantané
maximal (km/h)
Date et heure locale
Bretagne 22 Saint-Brieuc 135 173 26/12/1999 à 4h39
Basse-Normandie 61 Alençon 143 166 26/12/1999 à 6h05
Haute-Normandie 76 Rouen 151 140 26/12/1999 à 7h25
Île-de-France 75 Paris-Montsouris 75 169 26/12/1999 à 8h05
Centre 45 Orléans 125 151 26/12/1999 à 7h30
Bourgogne 89 Auxerre 207 133 26/12/1999 à 8h33
Champagne-Ardenne 52 Saint-Dizier 139 158 26/12/1999 à 10h03
Lorraine 54 Nancy 336 155 26/12/1999 à 10h29
Alsace 68 Colmar 207 155 26/12/1999 à 10h23
Corse 2A Solenzara 17 173 26/12/1999 à 16h16

IV. Phénomènes météorologiques associés

Précipitations associées à la tempête :

Pluie du 26 décembre 1999

La tempête Lothar est accompagnée de pluies. Toutefois ces pluies ne présentent aucun caractère remarquable. En 24 heures (du 26/12/99 7h00 au 27/12/99 7h00), il tombe en moyenne entre 5 et 15 mm sur tout le territoire avec localement un peu plus.
C’est finalement du côté des Landes que les cumuls sont les plus importants sans être excessifs, avec 20 à 50 mm recueillis. Cela représente une quinzaine de jours de pluie.
La France est dans un régime océanique d’ouest. Les régions bordant la Méditerranée sont entièrement épargnées par les pluies, cette zone étant protégée par les reliefs alentours (Pyrénées, Massif Central, Alpes).
À contrario, tous les versants ouest des reliefs sont copieusement arrosés avec des cumuls de 30 à 50 mm. Il s’agit d’ailleurs de neige en moyenne montagne. Les cumuls restent néanmoins classiques à cette période de l’année.

Néanmoins le passage de Lothar s’inscrit dans un contexte très perturbé sur la France avec en moyenne un passage pluvieux par jour (dans la nuit du 27 au 28, il s’agit de l’exceptionnelle tempête Martin). Les cumuls deviennent ainsi remarquables sur la durée.
Par exemple, les cartes ci-dessous indiquent les cumuls sur 2 ou 3 jours consécutifs.
On recueille ainsi localement plus de 60 mm en plaine et plus de 100 mm sur les versants ouest des reliefs en 48 heures.
En 3 jours certains secteurs ont reçu près d’un mois de pluie.
Ce « gros temps » a duré près d’une semaine entre le 23/12/99 et le 30/12/99. Il en résulte quelques inondations, notamment en Bretagne et en Normandie.

Pluies cumulées sur 2 jours
du 26 au 27 décembre 1999
Pluies cumulées sur 3 jours
du 25 au 27 décembre 1999
Pluies cumulées 26 et 27 décembre 1999 Pluies cumulées 25 au 27 décembre 1999


Informations complémentaires disponibles sur notre site des Pluies extrêmes en métropole.

Phénomènes de submersions :

Un autre phénomène associé à cette tempête est le phénomène de submersion. Les vents violents sur une très grande étendue (l’Atlantique Nord) forment une houle impressionnante.

Par ailleurs, la très basse pression liée à la tempête Lothar (960 à 970 hPa au cœur de la tempête) conjuguée à l’accumulation d’eau sur les littoraux en raison des vents d’ouest, provoque une sur-côte remarquable avoisinant les 70 cm à 1 mètre, en particulier près de la trajectoire de la dépression (Bretagne et Normandie).
La mer est déchaînée avec d’imposantes vagues. La hauteur de ces vagues avoisine en moyenne 4 à 6 mètres, mais localement les vagues les plus hautes sont proches des 8 mètres de haut ! Il faut d’ailleurs savoir que cette situation dure depuis quelques jours et qu’elle va s’éterniser encore quelque temps, notamment avec le passage de Martin.

D’autre part, cette tempête se produit à un moment où le coefficient de marée est assez élevé (94). Heureusement, sur le Nord-Ouest du pays la marée haute ne se produisit pas au moment de la tempête. La pleine mer et la sur-côte maximale sont donc déphasées. Au final, le pire est évité de justesse sur les côtes de la Manche et de l’Atlantique avec des submersions assez localisées. À l’inverse, la côte ouest de la Corse est touchée de plein fouet par de nombreuses submersions. En cause, les très violents vents d’ouest qui soufflent sur la Méditerranée, la houle associée, ainsi qu’une sur-côte (70 cm) et une marée haute (30 cm) en phase.

V. Impacts socio-économiques

Cette tempête cause la mort d’une soixantaine de personnes, dont une trentaine en France et une trentaine en Suisse. L’ensemble des 2 tempêtes (Lothar et Martin) fait 140 victimes en Europe dont 92 en France.
Les dégâts sont considérables. On ne compte plus les toitures abîmées ou détruites, les arbres déracinés, les chapiteaux effondrés, les grues projetées au sol, les foyers privés d’électricité (plus d’un million), les bateaux aux amarres rompues, les maisons de bord de mer inondées, les infrastructures routières et ferroviaires touchées ou encore les réseaux électriques et téléphoniques endommagés. Les parcs et jardins publiques ou historiques au même titre que les grands domaines nationaux (Versailles, Saint-Cloud, Rambouillet …) sont également très affectés.
De nombreux monuments historiques sont durement fragilisés (églises, cathédrales, châteaux, Mont-Saint-Michel …). L’accès à certains de ces monuments a été fermé par mesure de sécurité.
Mais les grandes victimes de cette tempête, ce sont les forêts de la moitié Nord du pays, notamment celles de Lorraine. Près de 100 millions de mètres cubes de bois sont abattus par cette tempête Lothar (entre 5 et 10 % de la forêt française). C’est inimaginable.
Le coût global de tous ces dégâts (particuliers, État, entreprises) se compte en milliards d’euros. Le lendemain, la tempête Martin fait autant de dégâts que Lothar mais sur la partie Sud cette fois-ci.

Comble de malchance, le 12 décembre 1999 le pétrolier maltais “l’Érika” fait naufrage au large de la Bretagne. Du fioul commence à dériver provoquant le début d’une grande marée noire. Les 2 tempêtes Lothar et Martin ont pour effet de propulser l’importante nappe de fioul sur les côtes françaises, du Finistère à la Charente-Maritime. Quelques enseignements furent tirés de ces 2 tempêtes, avec notamment la mise en place du système de vigilance à Météo-France.

Informations complémentaires disponibles sur le site des tempêtes avec submersion : étude Vimers des événements de tempête en Bretagne par Météo-France, le SHOM (Service Hydrologique et Océanographique de la Marine) et le Céréma (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement).

Lire le livre Les tempêtes exceptionnelles de Noël 1999 de Baleste Marie-Claire, Brunet Hubert, Mougel Alain, Coiffier Jean, Bourdette Nicole, Bessemoulin Pierre (MÉTÉO-FRANCE)

Les tempêtes de 1999, Lothar et Martin, ont marqué le point de départ de la réflexion lancée par Météo-France à la demande du ministère en charge de l’Environnement pour améliorer l’information des populations. Cette réflexion a abouti à la naissance, en 2001, de la Vigilance météorologique, ce dispositif inédit d’anticipation des risques, croisant des critères météorologiques et leurs effets pour les territoires.
Qu’en serait-il de la vigilance si ces tempêtes se produisaient aujourd’hui ?