Tempête du 8 au 9 janvier 1924

I. Synthèse de l’événement

Date de début d’événement : 8 janvier 1924

Date de fin d’événement : 9 janvier 1924

Type d’événement : tempête de type SW (classification Dreveton)

Départements touchés ou régions concernées :

Régions impactées

Tout le littoral atlantique est impacté :

Bretagne, Pays de la Loire (Loire-Atlantique, Vendée), Poitou-Charentes (Charente-Maritime), Aquitaine (Gironde, Landes, Pyrénées Atlantiques)

Basse-Normandie (Manche, Calvados)

Résumé :
Dans la nuit du 8 au 9 janvier 1924, autour d’une dépression très creuse avec de forts gradients, une tempête balaie la côte atlantique dans un flux de sud – sud-ouest, de la Bretagne à Biarritz et à la Corogne, de la pointe du Finistère et à Saint-Malo.
Dans un contexte de fortes marées (coefficients à 100), elle entraîne des phénomènes de submersion marine dévastateurs sur l’ensemble du littoral par combinaison d’une forte houle, d’une forte marée et d’une pression très basse.

Intensité maximumDuréeSurface du territoire métropolitain touchéIndice de sévérité
8 Beaufort (100 km/h)
un peu plus de 24 heures
Côte atlantique : environ 10 départements
indéterminé

II. Description de la situation météorologique

Une dépression très creuse sur l’Atlantique nord avec un minimum barométrique de 950 hPa (mesuré par un transatlantique dans la nuit du 7 au 8 janvier à 49°5 de latitude nord et 23 ° de longitude ouest) aborde l’Irlande le 8 avec un minimum de 973 hPa.

Elle gagne la Bretagne en 12 heures et touche les côtes françaises dans la nuit du 8 au 9 janvier avec un minimum de 964 hPa enregistré à Belle-Île-en-Mer (56) le 9 à 06h00. La tempête associée à cette dépression balaie l’ensemble du littoral atlantique ainsi que la Bretagne. Elle s’accompagne de forts vents de sud-ouest « qui soufflent en cyclone » mais également de vagues extrêmement violentes qui occasionnent des ravages en submergeant l’intérieur des terres.

triangle Alerte Attention : aux échéances 09 UTC, les cartes issues de la réanalyse ERA20C présentent des anomalies.
Les tableaux suivants fournissent quelques valeurs du champ de pression entre le 8 janvier au soir et le 9 janvier au matin
Station météoPression (hPa)
Valentia (Irlande) 974 hPa
Îles Scilly (Grande-Bretagne) 974 hPa
Ouessant (29) 975 hPa
Brest (29) 978 hPa
Lorient (56) 982 hPa
Nantes (44) 1000 hPa
Pointe de la Coubre (17) 985 hPa
Le 08/01/1924 à 18h00
Station météoPression (hPa)
Brest (29) entre 02h00 et 04h00 973 hPa
Quimper (29) à 03h00 966 hPa
Belle-Île-en-Mer (56) à 06h00 964 hPa
Le 09/01/1924 entre 02h00 et 06h00
Station météoPression (hPa)
Valentia (Irlande) 990 hPa
Îles Scilly (Grande-Bretagne) 982 hPa
Ouessant (29) 976 hPa
Brest (29) 975 hPa
Lorient (56) 972 hPa
Nantes (44) 975 hPa
Pointe de la Coubre (17) 982 hPa
Le 09/01/1924 à 07h00
Analyse Surface le 08/01/1924 à 18 h Analyse Surface le 09/01/1924 à 07 h
Analyse Surface le 08/01 à 18h Analyse Surface le 09/01 à 07h

III. Vent

Les mesures de vent de l’époque sont peu nombreuses et peu fiables. Par conséquent il est très délicat d’obtenir des détails sur ce paramètre. Les vents ont probablement atteint 8 Beaufort en maximum sur la façade atlantique. Cela représenterait un vent moyen voisin de 70 km/h et des rafales proches des 100 km/h.

Valeurs remarquables du vent moyen mesurées le 9 janvier 1924 à 07 h locales
RégionDépartementPosteVent horaire(échelle télégraphique)
Nord – Pas-de-Calais Pas-de-Calais Saint-Inglevert 7 (ENE)
Bretagne Morbihan Er Hastellic (Sauzon) 6 (W)
Poitou-Charentes Charente-Maritime Pointe de la Coubre 8 (SW)
Poitou-Charentes Vienne Poitiers 7 (SSW)
Aquitaine Gironde Bordeaux 8 (W)
Correspondance entre les échelles de vent de l’époque
Les échelles de vents de l'époque

IV. Phénomènes météorologiques associés

Pluies

Cette tempête génère de bonnes pluies, ces pluies rarement excessives. Elles se produisent principalement dans la nuit du 8 au 9 janvier. Elles ne présentent aucun caractère remarquable avec des cumuls sur 24 heures voisins de 10 à 15 mm. Ponctuellement on atteint 20 à 30 mm, soit l’équivalent d’une semaine de pluie.

En revanche, ces pluies se sont inscrites dans un contexte très perturbé et très pluvieux entre le début de l’automne (septembre 1923) et le début de l’hiver (janvier 1924). C’est sur la durée (5 mois) que des inondations ont pu se produire par endroits, notamment avec la crue de la Seine.

Informations complémentaires disponibles sur notre site des Pluies extrêmes en métropole .

Submersions marines

L’ensemble de la côte atlantique du Pays basque à la Bretagne, ainsi que les îles comme Belle-Île-en-Mer (Morbihan), Noirmoutier (Vendée), l’île de Ré (Charente-Maritime), sont touchés par ce que les journaux de l’époque qualifient de « raz-de-marée ». La mer dépasse le niveau supérieur des plus grandes marées d’équinoxe. On signale des vagues de 7 à 8 mètres à la pointe de Penmarch.

3 phénomènes s’associent, provoquant une très importante montée du niveau de la mer :

  • les vents puissants associés à cette tempête créent une forte houle comprise entre 4 et 8 mètres ;
  • le coefficient de marée élevé (proche de 100) contribue à sur-élever le niveau de la mer lors des marées hautes ;
  • une surcote généralisée du niveau de la mer associée aux basses pressions ambiantes (pressions voisines de 970 hPa). Cette surcote liée aux basses pressions est estimée à 40 ou 45 cm. Elle sur-élève la houle de façon permanente tant que la pression est basse.

Ces 3 phénomènes conjugués ont pour effet de créer une montée du niveau de la mer au-delà des niveaux atteints lors des plus fortes marées (marées d’équinoxe).

Informations complémentaires disponibles sur le site des tempêtes avec submersion : étude Vimers des événements de tempête en Bretagne par Météo-France, le SHOM (Service Hydrologique et Océanographique de la Marine) et le Céréma (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement)

V. Impacts socio-économiques

Cette tempête surnommée « raz-de-marée » provoque de très nombreux dégâts matériels en bordure de l’Atlantique et en entrée de la Manche. Ces dégâts sont principalement concentrés sur le bord de mer, car le phénomène marquant est la submersion.

Des dizaines de personnes périssent noyées et emportées par l’océan. De très nombreuses plages atlantiques changèrent complètement de visage avec parfois des dunes repoussées d’une dizaine de mètres. Sur ces plages des curieux sont littéralement happés par les lames. Sur le front de mer, de nombreux rez-de-chaussée furent inondés.

Dans les ports les amarres des bateaux se rompent fréquemment, ces bateaux finissent alors leur course en se brisant contre les quais. En mer de grands navires sont en détresse. Les équipages signalent avoir rarement vu des vagues aussi hautes. Certains équipages entiers périssent, emportés par l’océan déchaîné.

Après son passage, la tempête laisse place à une vision de désolation :

  • nombreuses épaves de navires échoués sur les plages ;
  • quais et ports démolis, jetées et digues détruites ;
  • murs écroulés, habitations et magasins inondés ;
  • routes et lignes de chemin de fer coupées ;
  • lignes téléphoniques et télégraphiques détruites.

Voir le document du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) intitulé Submersions marines historiques.