Tempête du 3 février 1904

I. Synthèse de l’événement

Date de début d’événement : 2 février 1904

Date de fin d’événement : 3 février 1904

Type d’événement : dépression atlantique de type SW (classification Dreveton)

Régions concernées :

Régions impactées

Bretagne, Basse-Normandie (Manche) ainsi que le sud de l’Angleterre et Jersey

Résumé :
Alors que l’hiver a été très perturbé, la tempête qui arrive dans la nuit du 2 au 3 février provoque des submersions sur la Bretagne, la Manche et le Sud de l’Angleterre.

Plus que la force du vent, ce sont les débordements et les submersions qui provoquent un maximum de dégâts. Un raz de marée se produit sur la pointe de Penmarch où la mer pénètre plus de 2 km dans les terres. L’île de Molène est coupée du continent. On déplore plusieurs victimes, noyées ou écrasées sous des décombres.

Intensité maximumDuréeSurface du territoire métropolitain touchéIndice de sévérité
Force 8 Beaufort
2 jours
6 départements
indéterminé

II. Description de la situation météorologique

Dans un flux rapide d’ouest une dépression se creuse sur l’Atlantique. Elle atteint son minimum (968 hPa) sur le proche Atlantique avant de toucher la Bretagne le 2 février (981 hPa à 12 h) pour ensuite s’engouffrer à l’intérieur du pays.
Parallèlement un autre système dépressionnaire remonte des Baléares à la Provence. Le 3 à la mi-journée, ces 2 systèmes n’en forment plus qu’un sur le pays mais il est en voie de comblement rapide.

La dépression remontera sur le sud de l’Angleterre avant une reprise d’activité les jours suivants.

Cette arrivée de la tempête se fait en conjonction avec les grandes marées.

triangle Alerte Attention : aux échéances 09 UTC, les cartes issues de la réanalyse ERA20C présentent des anomalies.
Analyse surface du 3 février 1904
Pressions niveau mer

III. Vent

Nous ne disposons pas de relevés anémométriques précis pour ces régions en 1904. Les évaluations de vent selon l’échelle Beaufort indiquent du 7 Beaufort à Brest en soirée du 2 février. Cela correspond à un vent moyen compris entre 50 et 61 km/h. Les rafales peuvent être supérieures de 40 % au vent moyen, soit 70 à 85 km/h

La mer est très grosse (creux de 9 à 14 m) à Ouessant le 2 et le 3 février avec un vent estimé à 8 Beaufort (vent moyen de 62 à 74 km/h avec rafales entre 87 et 104 km/h).

À Groix, la mer est grosse (creux de 6 à 9 m). À l’île d’Houat, elle est grosse le 2 et très houleuse (4 à 6 m) le 3. La mer reste houleuse (2,5 à 4 m) à Brest.

IV. Phénomènes météorologiques associés

Dès le 1er février, une première tempête touche la Bretagne. Le trois-mâts italien « Nicolo Accame » fait naufrage au large de Perros-Guirec. Dans la nuit du 1er au 2, Le Conquet est submergé.

La grêle est souvent associée au vent et à la pluie le 2 février et un fort orage de grêle tombe sur la région de Lorient en matinée cassant vitres et serres.

Le passage de la dépression se fait en même temps que les fortes marées. Dans la nuit du 2 au 3 février, à marée montante, les grosses submersions se produisent : à 3h30 à Penmarch, 4 h à Lorient, 4h30 à Belle-Île-en-mer.

Les cumuls de pluie ne sont pas très importants pendant l’épisode avec 12 à 21 mm du Finistère aux côtes d’Armor. Mais tout le début d’année 1904 a été très pluvieux avec des cumuls de 183 à 257 mm sur la pointe bretonne et 90 à 155 mm dans le reste de la Bretagne entre le 1er janvier et le 3 février 1904.

Dans ce contexte de forts cumuls de pluies et suite à des orages violents le 09 février, une crue de la Loire commence dès le 11 février. Nantes est inondée jusqu’à la fin février. La Seine entre en crue elle aussi à Paris.

Le temps perturbé avec des tempêtes sur la France se poursuit jusqu’au 19 février.

V. Impacts socio-économiques

Plusieurs îles et une partie du littoral breton sont submergés. À Molène, l’eau recouvre les champs et les rend stériles. Elle emporte les récoltes de goémon et fracasse plusieurs bateaux. Privée de communication avec le continent, la population se retrouve en situation de pénurie, obligée de se nourrir de betteraves fourragères pendant plusieurs jours : la famine menace. Malgré le mauvais temps qui persiste, le préfet maritime de Brest envoie un remorqueur avec 3 tonnes de pain, 700 kg de farine et 300 kg de viande de bœuf en conserve.

Sur l’île de Sein, les habitants échappent au raz de marée en se réfugiant sur le toit des maisons. Les terres agricoles de l’île de Balanec resteront stériles quatre ans après leur recouvrement par l’eau de mer lors de la tempête.

Sur toute la côte, des barques au mouillage sont détruites, des quais endommagés, des terres inondées. En pays Bigouden, la mer s’avance de 2 km dans l’intérieur des terres. Saint Guénolé est envahi par les vagues et 300 maisons sont inondées entre Saint Guénolé, Saint Pierre et Kérity. Une cabane est déplacée de plusieurs dizaines de mètres par une vague plus grosse emportant un jeune homme de 17 ans réfugié à l’arrière. On retrouvera le corps sans vie du jeune marin pêcheur écrasé sous la cabane.

Une autre victime du même âge se noie à Brest, emportée par le raz de marée. À Lorient, c’est un ouvrier qui se noie sur les quais du port militaire.

À Penmarch, les dégâts sont considérables. Un tiers de la commune est sous l’eau. De nombreux bateaux sont détruits. Plus au nord, les villes de Morlaix, Léon, Tréguier sont en partie inondées.

L’intérieur des terres bretonnes, bien que non concerné par les vagues de submersions, n’est pas épargné pour autant. Sur les monts d’Arrée, sous l’effet des cumuls de précipitation, les rivières sortent de leur lit, inondant fermes et moulins.

En Normandie, c’est Granville qui est surtout touchée par des débordements.

Sur l’île de Jersey, les habitants ressentent un tremblement de terre. Ce mouvement tellurique accentue les grandes marées et la moitié des terres cultivées sont inondées.

En Angleterre, la tempête et les grandes marées provoquent l’inondation de l’estuaire de la Tamise. À l’autre extrémité de l’île, le port de Penzance en Cornouailles subit des dégâts importants.

Informations complémentaires disponibles sur le site des tempêtes avec submersion : étude Vimers des événements de tempête en Bretagne par Météo-France, le SHOM (Service Hydrologique et Océanographique de la Marine) et le Céréma (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement)

VI. Remarques

De 1891 à 1911, les heures exprimées en France le sont par rapport au méridien de Paris. Ces heures sont décalées de 9 minutes environ par rapport à l’heure de Greenwich et donc par rapport aux heures UTC (Temps Universel Coordonné).

Dans la présente fiche, on a considéré que l’heure légale française de 1904 et l’heure UTC étaient identiques.